Mahoua S. Bakayoko 12 d’écriture, 12 œuvres produites et vous venez d’être lauréate du 2e prix littéraire d’excellence Alassane Ouattara pour l’édition 2023, que ressentez-vous?
Mahoua S. Bakayoko : Il faut dire qu’il y a une foule d’émotions qui nous submerge quand on reçoit une telle reconnaissance, mais dans toute cette panoplie de sentiments, il y a en trois qui se distinguent. D’abord, le sentiment d’honneur d’être reconnu par la nation. Ensuite vient le sentiment de fierté de voir un jury porté un jugement aussi positif parmi mes paires. Pour finir un sentiment de devoir de faire mieux, de ne pas décevoir la nation pour cette distinction.
Parlant justement de distinction Madame Bakayoko, vous êtes également ambassadrice de la chaire UNESCO pour la culture de la paix ?
Mahoua S. Bakayoko : Cette distinction est venue en début d’année alors que je ne m’y attendait pas non plus, mais il sanctionne un travail, il est vrai que c’est l’ensemble de mes œuvres qui ont été distinguées mais particulièrement mon combat contre l’immigration clandestine, et cela m’a vraiment fait chaud au cœur, parce que c’est un combat que je mène depuis plus d’une décennie et je veux dire non à tous ces morts dans l’eau, à toutes ces vies que l’Afrique perd, et donc recevoir cette distinction par rapport à mon combat c’est encore plus d’honneur.
Alors Mahoua, on peut dire que la moisson fut belle pour l’an 2023?
Mahoua S. Bakayoko : Rires. Oui, on peut le dire ainsi, on peut dire que la moisson fut belle, ce qui nous oblige à faire mieux, à se dire que faire ce combat qu’on mène c’est justement pour que tout le monde puisse en profiter. L’écriture devient une sorte de combat, mais pas un combat pour moi uniquement mais pour que les autres en profite.
D’où vient votre passion pour l’écriture?
Mahoua S. Bakayoko : La passion pour l’écriture remonte à très loin, dans mes premier pas, parce que cette passion on l’acquiert parfois en ouvrant les livres, parfois en devenant nous-même de grand lecteurs. Et cette passion remonte également à ma famille, à mon père, à mes ainés qui leur ont passé le virus et eux à leur tour me l’ont communiqué. Voici un peu d’où part mon envie d’écrire, parce que quand on lit un livre, on se dit que ça ne serait pas mal de pouvoir écrire aussi, pouvoir offrir à l’humanité notre envie de communiquer des histoires, des récits, d’avoir un objectif. On n’a envie parfois de transmettre une société de valeur, et ces valeurs donnent à notre plume cette envie d’écrire et le partager avec tout le monde.
Vous avez parlé tout à l’heure de partager avec les autres, justement depuis quand le faites-vous, depuis quand écrivez-vous ?
Mahoua S. Bakayoko : Cela me fera douze ans d’écriture cette année. L’écriture, je l’ai rencontré en exil, bon je n’aime pas trop utiliser ce mot car c’était plutôt lorsque mon mari était en fonction et que j’ai dû le rejoindre à l’étranger. Vous savez on migre pour beaucoup de raison, et mes raisons à moi étaient professionnelles. J’ai rencontré l’écriture loin de la terre natale, et je dis souvent qu’il est d’exil car il réveil en vous une certaine nostalgie de la mère Patrie et parfois on n’a envie de retrouver cette amour là et c’est ce manque qui nous plonge dans l’écriture, ça été le cas pour moi.
Vous l’avez dit plus haut, vous avez douze ans d’expériences, alors Mahoua, quels sont les obstacles que peut rencontrer un écrivain à ses débuts ?
Mahoua S. Bakayoko : Le plus grand obstacle d’un écrivain et le premier qu’il peut rencontrer c’est l’édition, quand il faut rencontrer un éditeur qui accepte ton manuscrit. Parce que pour qu’on te lise il faut d’abord que ça sorte, il faut que l’éditeur puisse produire le livre, et on n’a tous eu ces déboires avec les maisons d’éditions, parfois ça marche, parfois ça ne marche pas.
Dans votre cas, ça été seulement l’édition, ou vous avez rencontré d’autres difficultés ?
Mahoua S. Bakayoko : Pour moi ça a surtout été l’édition, après l’édition se pose le problème de la distribution. Avant toutes ces étapes, il y a un petit blocage car parfois on n’a la peur de se dévoiler parce que quand on écrit forcement dans le monde, les gens voie un aspect de ta vie que tu ne veux pas forcément dévoiler, pourtant quoiqu’on dise il y a toujours une part de nous qui reste dans nos écrits. Donc cette peur d’être juger te freine un peu et tu censure.
On remarque dans vos écrits que vous valorisez beaucoup la culture africaine. Est-ce un choix délibéré ?
Mahoua S. Bakayoko : Ce n’est pas un choix, c’est une obligation parce qu’on n’est soit même le fruit de ce qu’on fait. Je suis dans ma culture, je le répète souvent je ne vais pas écrire comme un Gidero, ni comme Alfred de Musset, j’écris comme Mahoua, Mahoua qui est une femme africaine, qui est de la culture Mandingue, qui a reçu un dépôt. Et donc lorsque j’écris, c’est tout à fait normal que cela transpire, c’est ce qui fait mon originalité, et vouloir empiété cette partie culturel de mon écrit ne fera plus de moi Mahoua, cette partie culturel là, c’est cela qui fait mon écriture, et je ne pourrai pas écrire sans ça.
L’immigration clandestine, un thème qui vous passionne également, pourquoi ?
Mahoua S. Bakayoko : Ce sujet m’est venue quand j’étais en exil et que j’ai rencontré ces immigrés, j’ai vécu pas loin d’eaux, j’ai écouté leur histoires, j’ai partagé leur nuits de pleurs, j’ai passé des moments de détresse avec eux. Le combat contre la colonisation clandestine s’est nourrie de ma présence à l’étranger avec près d’une décennie en train de tourner sur différents continents, et différentes formes d’immigration clandestine que j’ai croisé aussi bien en Orient qu’en occident . Tout cela m’a permis de m’enrichir de leur vie, et j’ai vu un peu les drames de l’immigration clandestine, raison pour laquelle je continue de mener ce combat.
Vous venez récemment de sortir l’ouvre ‘’le Barrow de Mahoua ‘’, avez-vous des, ou un but particulier à atteindre à travers ce livre?
Mahoua S. Bakayoko : Absolument vous savez toutes mes œuvres sont porteuses de messages, elles ont toujours une visée et celle-ci particulièrement. C’est un témoignage de ma présence au quotidien depuis 13 ans sur internet. Tous les matins je fais ce que j’appelle « le barrow», je vous parlais tout à l’heure de brassage culturelle, et « barrow » dans ma culture veut dire échange, conversation. Donc tous les matins je fais cette conversation avec ma communauté que j’appelle ‘’les barrowfiles’’. Le barrow dans l’entendement de la culture malinké est un moment de partage, un instant de donner et de recevoir, autant j’apporte à ma communauté autant elle m’apporte en faisant des commentaires sur ce barrow, cela nous permet d’avoir une vue plus large sur une thématique du jour. Dans cet ouvrage, je parle de ce qui se passe tous les jours dans notre communauté, dans notre société en général.
Parfois je fais référence au passé pour pouvoir expliquer les faits du présent, et tout le monde s’y retrouve car on n’a tous reçu des valeurs sauf que moi j’ai cette possibilité de pouvoir mettre des mots dessus, de pouvoir l’écrire en texte. J’ai pour habitude de dire qu’ils sont aussi porteurs du message du « barrow », car c’est ensemble qu’on va construire cette société de valeur que l’on pense ne plus retrouver aujourd’hui.
Vous parliez tout à l’heure de ces personnes qui se retrouvent à travers vos livres, des ‘’des barrowfiles de Mahoua ‘’, quel message avez-vous pour ces lecteurs, lectrices et internautes qui vous connaissent à travers vos écrits ?
Mahoua S. Bakayoko : J’ai d’abord pour eux un profond sentiment de reconnaissance, parce qu’il faut dire qu’ il y’a un noyau depuis lors qui me suivait et m’accompagnait, ils ont estimé que la communauté devait s’agrandir parce que c’est eux qui sont porteurs des messages qui se trouvent dans mes écrits, je leur suis reconnaissante car grâce à eux cette communauté s’agrandit tous les jours.
Mahoua, si vous ressentez un sentiment de gratitude envers ceux-là qui se retrouvent à travers vos œuvres, quels conseils avez-vous pour ces jeunes qui souhaitent se lancer dans le monde de l’écriture ?
Mahoua S. Bakayoko : L’écriture n’est pas un effet de mode. L’écriture ne va pas sans lecture, il faut avoir soit même une certaine discipline de lecture, il faut se mettre à la lecture parce que je ne connais pas beaucoup d’écrivain qui brillent dans la matière sans un bagage de livre dans la tête, donc il faut qu’ils se disent que je dois aller à l’école de l’écriture, et l’école de l’écriture c’est lire les autres écrivains, plus on lit, plus on prend de la graine. Je dirais que plus on lit plus on commence à être forger dans ce qu’on veut faire, ce qu’on voudrait devenir, et on devient le fruit de nos actes, de nos lectures. Il est donc important de lire, d’avoir le livre comme compagnon avant de s’engager dans l’écriture.
Avant de nous dire aurevoir, quel est votre mot de fin ?
Mahoua S. Bakayoko : Je dis simplement merci à tous ceux qui m’accompagne au quotidien et le plus grand merci revient à Dieu parce qu’il a beaucoup fait dans ma vie, grâce à son aide j’ai pu accomplir ses grandes victoires que j’ai obtenu en 2023. Et je prie pour qu’il continue de me donner la possibilité de cueillir d’autres lauriers.
Interview réalisée par Mariam Doukouré, Sce Digital Al Bayane